Château Lafortune, avis et chronique de jeu

Si vous êtes de ma génération (rap, couleurs fluos, Passe-Partout et Pop-Tarts), vous avez sans aucun doute dépensé bien des heures dans un sous-sol typique des années 1980 à siroter du Kool-Aid en tentant de dominer le monde de Risk, à provoquer la faillite de vos concurrents immobiliers au Monopoly ou à vous torturer les méninges pour découvrir que le Colonel moutarde a utilisé un chandelier dans le salon pour faire la victime de Clue. Si vous êtes plus jeunes, vous avez immanquablement trouvé les traditionnelles boîtes de jeux rectangulaires aux dessins défraîchis sur le haut d’une tablette au chalet familial ou dans l’armoire qu’on n’ouvre qu’une fois par année. Nostalgiques de la belle époque? Découvrez aujourd’hui une réédition québécoise d’un des plus grands classiques des années 1980, Château Lafortune!

Château Lafortune
Auteur: David Michaud;
Illustrateur: André Martel;
Éditeur: Évo!Fun;
Distributeur: Évo!Fun
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Nombre de joueurs: 2 à 6 joueurs;
Durée: 60 minutes;
À partir de: 8+;
Thématique : Hôtel, humour, gestion, capitalisme;
Mécanique : jeu de plateau, de course et de gestion d’argent, hasard (dés, pioche de cartes), revenus, élimination de joueurs, déplacements sur une piste.

C’est quoi le but?

Château Lafortune propose aux joueurs d’incarner des maîtres hôteliers dans un monde où l’inattendue, l’absurde et le surréel font partie de la vie quotidienne. En gérant au mieux son hôtel, le premier à faire fortune en cumulant 250 000$ remporte la partie. Des invités plus ou moins capricieux et hétéroclites ainsi que des événements, tantôt perturbateurs, tantôt bienfaiteurs, viennent pimenter le jeu.

Comment on joue?

Préparer le plateau de jeu ne prend que quelques instants. Selon le nombre de joueurs, on place une ou deux tuiles de jeu au centre de l’aire de jeu et on y ajoute autant de tuiles hôtels qu’il y a de joueurs. Puis, chaque joueur reçoit les 3 Cartes Hôtel correspondant à sa couleur ainsi que 8500$ en argent de départ.

2 pioches communes sont constituées de cartes:
– Les cartes courriels;
– Les cartes invités.

Chacun place son meeple devant son hôtel, sur la piste de jeu.

À son tour, le joueur a deux options: soit il pioche des Cartes Invités et se déplace, soit il améliore son hôtel.

Lorsqu’on choisit l’option de piocher des Cartes Invités, on lance le dé Invités. Ce dé est illustré de 1 à 3 clients potentiels et on pioche la quantité de cartes invités correspondant à ce dé. Un à un, on vérifie si notre hôtel est qualifié pour recevoir cet invité (nombre d’étoile et disponibilité des chambres). S’il l’est, on place la carte invité dans la chambre de l’hôtel correspondant aux critères de l’invité. Autrement, on passe la carte au joueur à sa gauche qui valide s’il peut, lui, le recevoir dans son hôtel et ainsi de suite jusqu’à ce que le client trouve une chambre ou soit simplement écarté. Notons qu’un joueur ne peut pas refuser de recevoir un client si celui-ci est admissible. Puis, le joueur actif lance un second dé, celui des déplacements, numérotés de 1 à 6 et applique le déplacement à son meeple. Il résout l’effet de la case sur laquelle il arrive puis passe le tour de jeu au joueur suivant.

L’effet principal des cases sur lesquelles se déplacent les meeples est de générer le mouvement d’argent entre les joueurs ou encore de percevoir les revenus pour les clients dans son hôtel.

Ainsi, lorsqu’un joueur arrive sur une case ayant l’un de ces pictogrammes, le joueur paie au propriétaire le tarif correspondant à la chambre multiplié par le chiffre du dé de déplacement.

Dès lors qu’un pictogramme illustre un étage complet, tous les invités de cet étage terminent leur séjour. Vos clients quittent donc votre hôtel en vous payant la somme correspondant au niveau de votre hôtel.

Un pictogramme représentant l’entièreté des deux étages indiquent que tous vos clients terminent leur séjour et vous paient leur dû.

Finalement, le pictogramme illustrant un courriel indique que vous devez piocher la première carte courriel et en appliquer l’effet immédiat, à moins que cette carte n’indique que vous puissiez la conserver pour la jouer à un autre moment.

On peut choisir de ne pas lancer les dés et de plutôt payer un certain montant pour améliorer les standards de qualité de son hôtel en augmentant ses étoiles:
– 15 000$ pour avoir un 3 étoiles;
– 35 000$ pour un 4 étoiles;
– 60 000$ pour un 5 étoiles.


L’intérêt d’améliorer son hôtel est que plus vous avez d’étoiles, plus vous allez attirer plusieurs type de clientèle et celle-ci paiera cher pour séjourner chez vous.

Les tarifs évoluent en fonction du nombre d’étoiles de votre hôtel.

C’est tout?

2 variantes sont proposées:

– L’une pour raccourcir la durée d’une partie;
– L’autre pour en augmenter la valeur stratégique.

Pour faire des parties plus courtes, fixez le montant à atteindre pour gagner à 150 000$ et débutez la partie avec 10 000$ en poche.

Pour augmenter le niveau stratégique du jeu, piochez les invités par groupe plutôt que un à un et placez-les dans l’ordre de votre choix. Et lorsque vous devez payer au propriétaire d’un hôtel le prix pour l’une de ses chambres, vérifiez-en d’abord la disponibilité. Si la chambre est déjà occupée, vous ne payez pas.

OK, et le jeu se termine quand?

Dès lors qu’un joueur atteint la somme de 250 000$ en main, il déclare la partie terminée et est le grand vainqueur.

Ce que j’en pense?

D’entrée de jeu, il est important de noter que nous sommes en présence d’une réédition québécoise d’un jeu qui date de 1979. Dans la plus pure tradition des jeux classiques, la nouvelle mouture de Château Lafortune permet aux nostalgiques de passer un temps sympathique en ayant éliminé certains petits irritants de la première version qui était signée par le géant Parker Brother. Quoi qu’il en soit, et disons-le clairement, ce jeu est loin d’être le jeu de l’année. Il se destine clairement à un public déjà conquis par ce jeu qui cherche surtout à faire perdurer une ambiance candide de ses jeunes années.

À mon sens, Château Lafortune trouve son intérêt principal dans le fait qu’il permet d’introduire des enfants à l’univers des jeux classiques pour les adultes. En effet, si les thématiques de gestion hôtelière et de création de richesses financières ne sont visiblement pas une préoccupation pour les plus jeunes, les invités à l’hôtel, parmi lesquels on retrouve des clowns, des animaux et des personnages de contes et légendes, offrent un pont intéressant entre deux univers. Je dirais que Château Lafortune, dans sa réédition, peut constituer une alternative intéressante lorsqu’on passe des jeux enfants vers d’autres davantage préadolescents.

Ainsi, Château Lafortune conduit les joueurs dans la caricature, le cabotinage. Les illustrations assument totalement cet aspect, de la boîte de jeux aux cartes invités. Le choix des couleurs est davantage attrayant que les teintes de vert terne, de brun morne et de jaune moutarde de la version originale. Quant aux billets de banque, tout en adoptant une présentation visuelle complètement différente, ils ont tout de même préservé un aspect “années 1980”, tant dans la composition graphique que dans le choix des couleurs. Pour sa part, le plateau de jeu, quoi qu’original dans sa composition modulable, est trop gros pour les besoins. Il présente une image chargée, pas toujours utile et dont la piste de jeu est difficile à suivre. Plusieurs fois, les joueurs s’arrêtent sur des cases qui n’en sont pas; une petite faiblesse graphique qui n’existait pas dans la précédente version. Au nombre des bons points, les espaces pour déposer les cartes sur le plateau de jeu sont bien définis, de taille idéale et beaucoup plus pratique que la version des années 1980!

Au regard de l’expérience de jeu, il y a peu à dire. Les règles sont d’une grande simplicité, le jeu se met en place très rapidement, les tours s’enchaînent avec fluidité, les éléments de hasard introduits par les dés et les cartes font leur effet et la partie suit son cours jusqu’à ce qu’on déclare le vainqueur. L’interaction entre les joueurs est présente, mais davantage subie que planifiée et stratégique. Même la petite règle proposée pour introduire un aspect davantage stratégique ne suffit pas à se libérer de cet aspect passif du jeu. Outre le choix de dépenser sa fortune pour améliorer son hôtel, le joueur ne contrôle pas réellement sa destinée.

Et c’est peut-être là que le “jeu classique” en général a perdu certains joueurs. Cette apparente fluidité rejoint soit les familles avec des enfants, soit un type de joueur pour qui le jeu en lui-même est accessoire. Château Lafortune est correct, dans la mesure où on ne cherche pas tant une expérience de jeu profonde, mais plutôt à créer un prétexte pour se rassembler entre amis nostalgiques ou faire goûter un peu de notre enfance à nos enfants.

Dans ce contexte, Château Lafortune est efficace et sa réédition était nécessaire pour attirer les enfants.

Parlant enfants, si les plus jeunes ou vous-mêmes avez de la difficulté à multiplier les tarifs à percevoir, ou si vous ne voulez simplement pas vous casser la tête à calculer, pas de soucis! L’équipe derrière la réédition du jeu a penser à inclure un tableau sous forme de carte comportant toutes les informations. Ce simple ajout ajoute à la fluidité de la partie et rend l’expérience de jeu des parents plus agréable lorsqu’ils jouent avec les plus jeunes.

Personnellement, j’aurais souhaité que la réédition puisse apporter quelques règles de nouveauté. En effet, les seules améliorations du jeu se situent uniquement dans l’esthétisme. Pour ceux qui ont connu la version de 1979, voici les changements apportés par la nouvelle version:
– le visuel avec des couleurs plus attirantes et un plateau de jeu modulable en fonction du nombre de joueurs;
– possibilité de jouer à cinq et six joueurs;
– conditions de fin de partie fixée à 250 000$ (autrefois 500 000$;
– modernisation des télégrammes en courriels et plus de variété;
– ajouts et suppressions de clients;
– format horizontal plutôt que vertical des cartes étages;
– le plateau de jeu est illustré de pictogrammes intuitifs alors que c’était autrefois du texte;
– suppression du billet de 50$ et ajout du 50 000$;
– remplacement du distributeur de cartes clients par un dé.

Ces ajustements ne changent rien à la mécanique ou à la dynamique, mais ils permettent au jeu qui avait mal vieilli de trouver un certain écho chez une génération plus jeune. Si on aime les jeux simples, sans grandes prétentions et qui réalise les promesses faites, Château Lafortune correspond bien.

Entendons-nous, on n’enchaîne pas les parties de Château Lafortune et on ne se raconte pas d’anecdotes de parties pendant des semaines. Le jeu a son intérêt tant qu’il est sur la table, sans plus. Sans grand éclat, le jeu est ce qu’il est, un classique qui n’apporte pas de nouveauté, mais qui permet à de bons souvenirs de perdurer dans le temps. Et nous savons bien, en ces temps de bouleversements sociaux que cela a toute son importance!

Bref, si vous aimez les jeux classiques, simples, alimentant la nostalgie et accessibles à la famille alors Château Lafortune pourrait être pour vous!

On aime :
– Le relooking de la boîte particulièrement au niveau du format;

Le rafraîchissement des illustrations;
– L’iconographie très intuitive du plateau de jeu;
– Les règles du jeu sont simples et assimilables rapidement;

– la durée de jeu qui permet d’en avoir juste assez et pas trop;
– Le matériel correspond à ce qu’on attend de ce type de jeu;
– L’ambiance nostalgique;
– Un jeu accessible à tous;
– La thématique est bien exploitée pour le genre;

– L’initiative québécoise de racheter les droits d’un classique.

On aime moins :
– Le plateau de jeu qui est visuellement trop chargé et pas très claire;

Le type de fluidité qui se rapproche de l’automatisme;
– La mécanique axée presqu’essentiellement sur le hasard
;
– L’interaction entre les joueurs qui est davantage subie que contrôlée;
– Le matériel trop gros pour les besoins;
– Le fait que ce soit une réédition purement esthétique.

On aurait aimé:
– Quelques règles en option qui auraient pu apporter un réel caractère de nouveauté, un accroissement d’intérêt et une expérience renouvelée du jeu tout en gardant l’esprit et l’ambiance nostalgique
.

Il est à noter que si :
– Vous n’aimez pas les jeux de hasard, ne jouez pas à Château Lafortune;
– Vous êtes nostalgiques de ce type de jeu, vous serez ravi de le compter dans votre ludothèque.

7/10 pour la réédition.

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2 Commentaires sur “Château Lafortune, avis et chronique de jeu

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